Principes généraux de l'ennoblissement de la paille

Savez-vous pourquoi certaines marqueteries atteignent au sublime? C'est que, au-delà de l'aspect purement esthétique, leurs auteurs possédaient une connaissance très profonde de leur matériau favori leur permettant d'en tirer la substantifique moelle comme l'aurait dit Rabelais. Un musicien ne peut composer de chef-d'oeuvre pour un instrument en particulier s'il n'en a pas une maîtrise absolue.

Certes, et pour garder cette métaphore musicale, les essences de bois sont tellement variées que l'on peut comparer le marqueteur de bois à un chef d'orchestre. Alors que le pailliste (je sais, c'est un néologisme), devant se contenter d'une seule famille d'herbacées, est plutôt du genre instrumentiste soliste. Certains d'entre ces instrumentistes sont tout de même entrés dans le Panthéon des musiciens.

Faire connaissance avec notre matière première doit donc être notre première matière à étudier.

 

La paille

Définition

La paille est une tige de graminée, en particulier de céréale, dépouillée et coupée de son grain.

Composition du fétu

     - Enveloppe cellulaire extérieure

     - Epiderme, constitué d'une couche de protection, la cuticule, qui contient la cutine, pellicule superficielle des tiges jeunes, substance imperméable, véritable rempart contre l'eau, les rayons ultre-violets et les micro-organismes.

     - Bois, ou lignine, pour conduire l'eau et les substances nutritives nécessaires à la consolidation des fibres et l'entretien du parenchyme, ce tissu fondamental des végétaux formé de cellules vivantes aux fonctions diverses.

     - Polyacétal de cellobiose, réunion de glucose à la chaîne moléculaire. Dont la forte liaison des molécules de glucose et d'hydrogène est à l'origine des qualités mécaniques de la paille.

La paroi du fétu est donc composée de lignine (substance organique qui rend imperméable et inestensible les cellules, fibres et vaisseaux du bois), pectine (substance gélifiante contenue dans de nombreux végétaux, utilisée comme épaississant dans les industries alimentaire et pharmaceutique), subérine (substance organique présente également dans le liège), proteïnes, cutine et surtout cellulose (substance organique [glucide] contenue dans la membrane des cellules végétales).

La chaîne cellulosique présente une double particularité. Elle est composée en effet de :

     - Régions cristallines, où les molécules sont très fortement liées grâce à l'action de l'hydrogène et d'autres composants secondaires,

     - Régions inertes ou amorphes, où l'absence d'unité de la chaîne cellulosique permet la pénétration d'enzymes en milieu aqueux, ce qui permet les opérations de teinture.

Ces deux dernières données sont très importantes pour comprendre le processus de teinture de la paille. N'oublions pas que cette dernière est protégée par sa cutine imperméable. Les colorants ne peuvent donc pas pénétrer la matière. La seule possibilité est offerte par les zones amorphes. Comment cela se passe-t-il?

     A- La structure

Les chaînes constituant la fibre cellulosique peuvent être soit

     a- orientées dans le sens de la fibre, délimitant des zones compactes appelées zones cristallines ou micelles, les chaînes étant parallèles entre elles.

     b- disposées dans un état désordonné, moins denses, appelées zones amorphes.

Les espaces inter-moléculaires délimitent des pores de diamètres variables par lesquels les molécules de colorant peuvent pénétrer dans la fibre.

     B- Pouvoir gonflant des fibres cellulosiques

Grâce à la liaison hydrogène, le pouvoir gonflant de ces fibres est très important en milieu aqueux. Ce phénomène produit un écartement des chaînes et augmente le diamêtre des pores, déterminant la grosseur de la molécule colorante susceptible de pénétrer la fibre, donc de la teindre. A sec la teinture est de ce fait impossible.

La teinture des fibres cellulosiques consiste donc à faire pénétrer dans le réseau de la cellulose des molécules de colorant, à partir d'une solution aqueuse mise en contact avec la fibre, ce qui peut se faire principalement :

     a- par épuisement

Le colorant se déplace de la solution aqueuse vers la fibre jusqu'à l'obtention d'un équilibre dont la composition dépend de la température de l'eau, et de la teinte recherchée.

     b- par foulardage

Le colorant est déposé dans la fibre par imprégnation et passage entre deux rouleaux, puis fixé par un traitement spécial.

Bien d'autres procédés sont mis à la disposition des inombrables industries qui font appel à la couleur. Les paillistes s'intéresseront à la méthode par épuisement.

 

 

Un grand merci à Angelika RAUCH: Die Strohmarketerie - Geschichte, Technik, Aspeckte der Konservierung und Restaurierung - Diplomarbeit im fach Holzobjekte mit veredelter Oberfläche, an der Fachhochschule Hildesheim/Holzminden, 1998. Publié par la revue Restauro, Münich 1999.

Sans oublier le Livret stagiaire du Programme de Formation du Personnel des Entreprises Textiles, Hachette 1974

 

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