Les broderies de Nozeroy


 

      Considérée comme la plus petite commune de France avec ses 451 habitants; chef-lieu de canton perché à 780 mètres d’altitude, Nozeroy, après une histoire plutôt mouvementée, coule désormais des jours paisibles à mi-chemin entre Lons-le-Saunier et Pontarlier.

     Cette charmante cité fut fondée au XIII° siècle par Jean de Chalon dit l’Antique, ou le Sage, issu d’une branche cadette de la Maison de Bourgogne. Elle devint la capitale des Comtes de Chalon devenus Princes d’Orange par alliance matrimoniale (Ah! l’amour). Contrôlant les salines de Salins au florissant commerce vers la Suisse toute proche et l’Italie (le sel est appelé l’or blanc), les princes dotèrent largement la petite ville et ses environs, leur accordant diverses franchises et droits d’usages. Nozeroy s’embellit de très belles maisons, toujours visibles, de citernes ou réserves d’eau, d’une collégiale, aujourd’hui l’église paroissiale, d’un château dont il ne subsiste hélas ! presque plus rien.

     Au XVII° siècle est fondé le couvent de l’Annonciade, évènement qui, pour les » pailleux » que nous sommes est d’une importance considérable comme nous le verrons par la suite. Il ne compte pas moins de cinquante reliquaires.

     Ecoles pour les filles, collège pour les garçons un temps sous la férule de Gilbert Cousin, secrétaire du philosophe humaniste hollandais Erasme, subsisteront jusqu’à la révolution française.

     L’hôpital Sainte Barbe, élevé sous la Bienheureuse Louise de Savoie, nièce du roi Louis XI, châtelaine de Nozeroy, succède à un premier établissement de 1363.

     La région a une histoire troublée: rivalité entre Roi de France et Ducs de Bourgogne, Guerres de Franche-Comté aboutissant au rattachement de cette province à la France, représailles contre les religieux refusant de prêter serment à la constitution civile du clergé allant jusqu’à la destruction des bâtiments religieux. Les habitants résolurent alors de mettre en lieu sûr ce que l’on peut appeler le Trésor de l’église. Le calme revenu ces pièces ont retrouvé leur place à l’exception de certains vases sacrés et autres objets en or.

 

      Comprendre la richesse et l’importance de cette cité, c’est comprendre pourquoi elle a pu abriter un tel trésor. Un trésor ? Bon sang, mais c’est bien sûr! Ne seraient-ce pas les fameuses broderies de paille qui y sont conservées? Bien entendu! Celles que, dans leur ouvrage sur la marqueterie de paille, Lison de Caunes et Catherine Baumgartner ont décrit, les trois chasubles brodées de paille conservées dans la sacristie de l’église paroissiale.

 

     Oeuvres des moniales du couvent des Annonciades Célestes datées de 1650 environ, elles sont constituées de trois chasubles brodées à orfroi, larges bandes richement décorées habituellement de fils d’or et d’argent mais en l’occurrence de paille, et de trois devant d’autels de même. Malheureusement, ce jour-là il n’a pas été possible de joindre le curé de la paroisse qui, seul, est habilité à ouvrir les armoires qui conservent les chasubles. Cruelle déception!

     Antepandium 3mx1m Détail des broderies Par contre la frustration a été atténuée par la contemplation des devant d’autels qui, eux, sont constamment visibles au pied des trois autels de l’église du village. Il s’agit de grands rectangles de soie d’environ 3mx1m, entièrement ornées de motifs en pailles brodées. Cousus à l’étoffe par des points imperceptibles, les brins de paille, tressés de sept façons différentes composent un extraordinaire décor de festons, rinceaux et autres broderies foisonnantes. Même en y regardant de très près il est pratiquement impossible d’identifier le matériau qui brille toujours de tous ses feux, tels de magnifiques entrelacs de fils d’or.

     La Samaritaine Le Bon Pasteur, détail de la broderie de perles DeuxLe Bon Pasteur 3mx1m de ces panneaux resserrent en leur centre un médaillon, Le Bon Pasteur pour l’un, Jésus et la Samaritaine pour l’autre, qui semblent, à première vue, de tapisserie. En fait on s’aperçoit, en s’approchant à quelques centimètres, que ces tissages sont réalisés à l’aide de minuscules perles de verre colorés et de nacre. L’effet en est saisissant. 

 

     Ces compositions remarquables sont une véritable féerie pour les yeux ébahis des trop rares visiteurs et nous vous engageons avec insistance à faire le déplacement. D’autant que l’église offre une architecture intérieure élégante, écrin délicat à de très belles statues du XV° siècle. Par ailleurs le bourg a fière allure et présente humblement mais fièrement ses vestiges médiévaux, ses frontons sculptés, ses fenêtres à meneaux, ses portes rehaussées de sculpture. Il a su conserver sa borne fontaine où « le vin coulait à flots » les jours de fête. Bien entendu nous nous y sommes aussitôt précipité mais sans pouvoir vérifier le prodige. De la légende à la réalité il n’y a souvent qu’un pas. Mais c’est parfois un pas de géant.

     Malgré tout Nozeroy a maintenu le souvenir des fêtes d’antan et les fait revivre d’éclatantes façons par une fête médiévale annuelle et la tenue de banquets du XV° siècle, en vêtements d’époque fournis, d’avril à novembre.

     Dans les armoiries de la ville, figure un ours dressé sur ses pattes, semblant hésiter à grimper après un sapin. Le sapin symbolise la région, l’ours représentant le turbulent voisin bernois qui « n’oseroit pas » l’attaquer.

 

     Si l’envie vous prend d’aller admirer ces merveilles, il est préférable de prendre rendez-vous avec monsieur le curé du Val de Miège qui détient les clés de l’armoire aux chasubles, au numéro de téléphone suivant : 03 84 51 13 70.

Si vous êtes du genre pressé vous vous consolerez avec les seuls devant d’autels qui valent à eux seuls le déplacement tant ces chef-d'oeuvres sont uniques en leur genre.

     Uniques? Voire. Notre petit doigt nous glisse dans le creux d’une oreille attentive qu’il en existerait d’autres chasubles et divers vêtements sacerdotaux dans un musée consacré au travail de la paille situé à Wohlen, près de Zurich, Suisse. (voir l'article dédié)