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El Popotillo

     Ce terme mexicain signifie fine paille et s’applique à la tige du millet, céréale cousine du sorgho cultivée principalement en zone tropicale. Les Aztèques se servaient de cette tige après teinture éventuelle pour remplacer les plumes du quetzal, l’oiseau-symbole bien connu de lecteurs de sept à soixante-dix-sept ans, dont ils, les Mexicains, avaient fait un usage si immodéré qu’il était devenu quasiment introuvable. Ces plumes entraient à profusion dans la décoration des boucliers, casques et vêtements d’apparat. Cette évolution forcée va donner lieu à une forme d’art particulière qui va emprunter son nom à sa matière première, le popotillo. Et connaître une grande popularité dans la région de Mexico-City.

     Cela nous ramènerait donc à l’époque des Aztèques et du serpent à plumes. Il aurait été remis au goût du jour au cours du XIXème siècle, tout en n’étant vraiment organisé qu’à partir des années 1920-1930. Or les moins traditionalistes, tout en soulignant que le popotillo servait surtout à faire des balais, connus en espagnol sous le nom de popote de Cambray, donnent une autre version de l’origine de cet art. D’après eux, des émigrés chinois auraient amené ce savoir-faire, chez eux à base de bambous, dans leurs bagages au début du XXème siècle. Il s’agirait en fait d’une expression artistique similaire remontant à la période Sui (581-618 ap.J.C.). Clin d’oeil avec la théorie qui veut que le peuplement de l’Amérique du Sud, à l’origine, soit dû à des populations asiatiques passées par le détroit de Behring.

     Aztèques ou chinois, nous ne sommes pas plus avancés. C’est quoi ce popotillo, à la fin? Et bien il s’agit de réaliser des décors sur des tableaux ou des coffrets avec des céréales, en l’occurence des tiges de millet. Le modus operandi est le suivant: on commence par teinter si besoin la tige, la paille, du millet. Si l’on parle d’un temps que même les plus de vingt ans ne peuvent pas connaître, les teintures étaient obtenues à partir de colorants naturels, cochenilles, fleurs, plantes, mais, de nos jours, les artisans utilisent de plus en plus des colorants alimentaires et/ou chimiques. Puis on enduit la surface du support avec de la cire d’abeille, mais une cire spéciale, la cera de CampecheCool. Cette substance est toujours utilisée, et ce depuis des temps immémoriaux, par les Indiens Huichol, dans le nord du pays, pour confectionner leurs perles et les fils de leurs magnifiques tissus.

     Contrairement à notre propre façon de faire, les tubes de paille ne sont ni écrasés ni ouverts, ils sont utilisés tels que le Bon-Dieu les a faits, en leur état tubulaire. On les dépose sur la surface recouverte de cire, à l’emplacement qui leur était prévu, et on les y fait adhérer en les pressant délicatement mais fermement, en évitant si possible de les déformer. On les coupe alors à longueur voulue en fonction du motif à réaliser. Les tubes sont si minces, environ un millimètre de diamètre, que les plus adroits les coupent directement sur place avec l’ongle du pouce. Plus les morceaux obtenus sont petits, plus les détails de la composition sont subtils. Le dernier morceau placé, nul besoin de nettoyer la surface car il n’y a évidemment pas de remontées de colle. On applique alors un vernis, un fixateur pour lier l’ensemble.

     Les consciencieux se feront un point d’honneur à confectionner, à la main, un cadre qui apportera la touche finale. Les sujets les plus représentés sont des scènes religieuses, édifiantes, des croix, des reliquaires, des rappels de la vie d’autrefois, des archtectures aztèques ou maya.

     Ce travail est si prenant, si minutieux, que l’on prétend au Mexique que l’art de la paille a un effet positif pour "distraire les cerveaux". Anxiété, crises d’angoisse, paniques ou stress disparaissent au bout d’une ou deux heures  de pratique.

     Hélas, comme partout ailleurs, ces métiers de l’artisanat meurent à petit feu, seuls quelques artisans tentent désespérement de sauver cet art en perdition dont les ateliers ne sont plus guère tenus que dans des bibliothèques ou des librairies locales. Exerçant essentiellement pour des touristes avides d’exotisme, les artisans doivent travailler vite et n’ont pratiquement aucune possibilité d’innover, de sortir des sentiers battus, ce qui serait pourtant vital.

     Au gré de vos promenades dans les rues de Mexico vous pourrez rencontrer certains d’entre eux, oeuvrant sur place. Ou bien entrez au Musée d’Art Populaire, à Coyoacan.

     Sic transit....

CoolDu nom de la ville de Campeche, port situé dans le golfe du Mexique, à l’est du pays, région originaire du Gulf Stream. Ce golfe fut le refuge du fameux pirate Jean Lafitte qui devint immensément riche grâce au commerce du bois d’ébène, ainsi que l’on nommait pudiquement le trafic d’esclaves. Certains historiens avancent qu’il finança l’édition d’oeuvres de Marx et d’Engels à Bruxelles.