Principes de base

Il ne faut pas considérer la marqueterie de paille comme un simple passe-temps. Elle est en réalité un art à part entière, bénéficiant désormais de son propre concours d'"Un des Meilleurs Ouvriers de France", au même titre que tous les autres métiers d'art. Art décoratif certes, mais pas seulement, il suffit de contempler les chefs-d'oeuvre du temps jadis pour s'en convaincre. Et de se rassurer sur sa pérennité par la suprême qualité des réalisations des artistes d'aujourd'hui qui ont su opérer une véritable renaissance en adaptant les canons de l'art contemporain ou moderne aux exigences absolues de l'art difficile qu'est la marqueterie.

Chaque époque génère son génie propre, le style Henry II n' a rien à voir avec le style Empire, ni le Baroque avec le Pop'Art. Sauf que l'imagination seule ne peut rien si elle ne s'appuie sur un savoir-faire obtenu de nos anciens. Anaxagore, un grec qui philosophait vers les 500 ans av. J.-C., assurait déjà que la main était le prolongement du cerveau.

Associer les techniques traditionnelles aux innovations et aux inspirations d'aujourd'hui reste le meilleur hommage que nous puissions rendre à nos prestigieux prédécesseurs.

C'est pourquoi je n'insisterai jamais assez sur les qualités dont doit faire preuve tout marqueteur, à savoir humilité, patience, précision, soin de ses outils, connaissance et respect du matériau.

L'intérêt de la paille est double :  possibilités d'emploi quasiment infinies et  beauté irradiante.

Possibilités d'emploi : toutes formes d'inspiration, abstraite ou figurative, miniature ou géante, monochrome ou polychrome, travail en applique ou en incrustation. Et tout type de support, plat ou arrondi, tout ce qui supporte un collage peut recevoir un morceau de paille : lambris, panneau, meuble, paravent, tableau, cadre, lampe, pendule, coffret, boîte, bristol, reliure, flacon, maison et meuble miniatures, étui etc. On peut également en faire des bijoux, la torsader, la tresser, la tisser, la travailler au crochet, la coudre, la coller avec pratiquement tout type de colle y compris le ruban double faces.

Sa beauté : La qualité première de la paille est sa luminosité, son ballet permanent avec la lumière. Recouverte d'une couche de silice naturelle qui la rend imperméable (on en fait les toits de chaume), imputrescible, insensible aux attaques des parasites, mais surtout qui permet cet aspect chatoyant que lui donne la réfraction de la lumière. Cela induit que le positionnement du sens de la fibre est essentiel au rendu final. La couleur étant dirigiste par définition, c'est elle qui donne les indications d'ombre, de volume et les différents détails, il en ressort que le travail en monochromie est beaucoup plus subtil car tous les détails dépendent uniquement de la façon dont les fibres sont placées. La lumière changeant au cours de la journée, les marqueteries évolueront également, tel détail ne se révélant que sous tel éclairage.

 

Voilà pourquoi il faut oser la marqueterie, voilà pourquoi il faut oser la paille!!!

 

A propos de mise en oeuvre :

 Matériel nécessaire:

- Une planche à découper. Personnellement je privilégie le calendrier publicitaire en carton épais (voir votre banque). Il ne gênera pas l'évolution de votre cutter même si la pointe y est trop profondément enfoncée. De plus elle est plus économique que celles que l'on trouve dans le commerce. En tout état de cause, éviter la planchette en bois.

- Un cutter, ou un scalpel ou bistouri (voir les magasins de déco ou de bricolage).

- Une paire de ciseaux à bouts ronds pour les enfants ( idem).

- Un crayon à papier (voir la trousse de votre enfant).

- Une gomme (idem).

- Une règle ou un réglet métallique car la lame du cutter aurait tôt fait d'user les bords de votre règle en bois ou en plastique, de 20 à 50 cm de longueur suivant le travail à réaliser (voir les magasins de bricolage).

- Un plioir en os ou en plastique pour écraser les pailles (voir les magasins de déco). Sinon voir le tiroir du buffet de votre cuisine, une cuiller à café fera l'affaire.

- Un pot de colle normale, blanche, vinylique, ou colle de relieur. Plus un petit pot à remplir de colle pour éviter que le gros pot ne reste trop longtemps ouvert, le travail étant toujours très long, au risque se voir la colle se dégrader et sécher prématurément (voir magasins de bricolage). Cette colle présente les avantages d'être incolore après séchage, et reversible, c'est-à-dire que l'on peut décoller une pièce simplement en la chauffant au fer à repasser pour ramollir la colle. En ce dernier cas pensez à protéger le morceau à décoller avec une feuille de papier pour éviter de la brunir par contact direct avec le fer.

- Un ou deux pinceaux de tailles différentes en fonction de la surface à encoller (idem).

- Un fer à repasser déclassé, n'utilisez pas le fer neuf, récent cadeau de mariage, car la moëlle de la paille, et les résidus de matière colorante et de colle abîmeront sa semelle (voir au grenier).

- Du papier, type journal, mais attention aux risques de transparence, l'encre noire se verra à travers les pailles claires. Surtout pas de papier trop mince ni de papier glacé qui prennent la colle difficilement (voir l'imprimeur de votre quartier pour les fins de rame).

- Du papier à décalquer si vous n'avez pas d'imprimante.

- Une presse à vis type presse de notaire ou de relieur pour les petits travaux( voir en brocantes). Sinon coincez les pailles entre deux planches et un ou deux parpaings par dessus, quelque chose de lourd.

- Peinture, ou feutrine ou papier coloré pour habiller les fonds en cas de travail en applique.

Je ne mentionnerai que pour mémoire le marteau à plaquer qui n'est utile que si vous n'avez ni presse ni petite cuiller et beaucoup de fétus à écraser.

Le fendoir, simple ou multiple, dont le rôle est de découper le fétu en plusieurs petite filets ne s'impose vraiment que pour ceux qui voudront tresser la paille.

Procédé et méthode :

1°) Avec l'ongle de votre pouce (attention toutefois aux petites coupures, les bords de la paille sont parfois taquins) ou avec le cutter fendez le fétu dans le sens de la longueur, puis ouvrez-le et applatissez-le en vous aidant du plioir ou du fer à repasser en position coton. Cette opération est essentielle, la paille doit être écrasée au maximum, elle doit perdre son aspect côtelé, elle deviendra satinée, et c'est ainsi seulement qu'elle exprimera tout son intérêt, le rendu final de votre travail en dépendra. Plus elle est écrasée, plus la lumière glissera sur elle de façon harmonieuse. Cela est très important : Ecrasez!!!

Le plioir, ou le fer, doit être appliqué et appuyé progressivement de façon à ne pas marquer le matériau. On le passe côté intérieur du fétu pour enlever le plus de moëlle possible ( la moëlle étant la substance mate qui se trouve au centre du cylindre central de la tige et qui a nourri la paille), puis du côté extérieur brillant jusqu'à ce que le brin commence à s'enrouler sur lui-même. S'il s'agit de couleurs claires, le fer chaud est à prohiber côté brillant car il y a grand risque de brunissage.

2°) Il est possible d'appliquer la paille directement sur le support, principalement dans le cas de paille droite ou de décor géométrique. Mais il faut tenir compte du fait que :

     a) Une paille ouverte ne fait en moyenne qu'environ 0,8 à 10 mm de largeur.

     b) Elle se comporte très désagréablement lors de coupe transversale en s'éclatant (elle est bien la seule) en plusieurs petits filets.

D'où d'énormes difficultés lorsqu'il s'agit de découper de grandes pièces. Il faut donc fabriquer ce que l'on appelle une planche. Cela consiste à coller des fétus ouverts, côte à côte, afin d'obtenir une surface d'un seul tenant dans laquelle il sera possible de découper dans tous les sens les contours les plus compliqués.

Confection d'une planche :

Pour éviter d'ouvrir plus de fétus que nécessaire ou, au contraire, pas assez, il faut avant tout estimer la surface à couvrir, sachant qu'il faut une planche par couleur. Considérant qu'un fétu ouvert mesure environ et en moyenne 30 cm de long par 1 cm de large, il devient aisé de calculer la quantité nécessaire pour réaliser le travail.

Sur une feuille de papier, coller les fétus la face mate contre le papier, côte à côte, en veillant bien à ce qu'ils ne se "montent pas dessus", qu'ils ne se chevauchent pas, la face brillante étant imperméable, la colle ne prendrait pas, permettant à l'humidité et à l'air de s'infiltrer entre les pailles avec tous les risques de décollement qui ne manqueraient pas d'en résulter.

Le tube de paille étant tronconnique il est quasiment impossible de faire un joint parfait sur plus de 30 cm environ. Pour pallier à cet inconvénient il est possible de redresser le côté, avec le réglet et le cutter, directement sur le support. Si vous le faites sur la planche à découper il faut maintenir le fétu grâce à trois points de colle, un à chaque extrémité et un au centre. Cela lui évitera de "chasser", de bouger sous l'action du cutter malgré la pression de réglet placé sur lui. En agissant rapidement, la colle n'aura que le loisir de maintenir le fétu en place, sans sécher, ce qui permet de récupérer la pièce sans dommage.

 La paille étant donc plus étroite à une extrémité qu'à l'autre, il faut coller les fétus tête-bêche afin d'éviter des décalages disgracieux par rapport à la verticalité idéale. Et il faut les coller de façon aléatoire, c'est-à-dire sans les choisir, comme ils viennent. C'est la meilleure façon de disséminer au maximum les différentes nuances qui parcourent les fétus. Car quand vous aurez épuisé les plus beaux, il ne vous restera que ceux que vous n'avez pas voulus au début. Ils se retrouveront tous du même côté. Sauf, bien entendu, si vous en recherchez l'effet.

Le nettoyage :

La colle ne tenant pas du côté brillant de la paille, il devient facile de la débarasser des remontés et des surplus de colle encombrant le matériau. Passez un chiffon doux humidifié par une solution composée d'eau et de vinaigre à 50%, vinaigre blanc pour éviter les éventuelles tâches. La salive est également très efficace. Poser votre salive sur la zone à nettoyer et frottez, c'est radical. Moins économique, et si vous souffrez d'asialie (si vous ne produisez pas de salive) vous trouverez en pharmacie des salives artificielles offrant les mêmes propriétés. D'une façon générale l'alcool, du vinaigre à l'alcool à brûler, dissout les particules de colle.

La mise sous presse :

En humidifiant le papier la colle donne à la paille le loisir d'exercer sa mémoire de forme, de tenter de retrouver son aspect cylindrique. C'est pourquoi il est impératif de revenir régulièrement au plioir sur les pailles déjà collées en faisant glisser l'outil fortement dans le sens des fibres. On colle quelques pailles et on revient régulièrement en arrière, jusqu'au séchage complet.

Lors de la mise sous presse il faut humecter le papier en cas de besoin pour le détendre et lui permettre de retrouver sa planéité première. Ensuite il faut nettoyer la paille comme il a été vu au chapître précédent et placer la planche de paille entre deux planchettes de bois partaitement exemptes de toute aspérité ou creux qui marqueraient la paille. Et ne surtout pas oublier de placer une autre feuille de papier entre la planchette de dessus et la paille. Autrement la paille se collerait à cette planchette. Vous devez donc avoir un sandwich composé comme suit : la planchette de dessous, puis la planche de paille, puis une feuille de papier enfin la planchette de dessus.

Appliquez cette méthode quel que soit le système de presse utilisé.

Le sandwich doit rester en place jusqu'au séchage complet de la colle. Ce laps de temps dépend de la colle utilisée, reportez-vous aux indications du fabricant.

Finition :

A la fin du nettoyage, le travail est terminé. Il est possible de cirer l'ensemble pour le "fun" et donner un toucher encore plus sensuel à la paille. On la pare volontiers de ces crèmes hydratantes pour les mains par exemple. Mais, contrairement à la marqueterie de bois, il ne faut surtout pas utiliser de vernis. Pour plusieurs raisons :

1°) Le vernis ne pouvant pénétrer le matériau, constitue un film qui recouvre l'ensemble du sujet. Le vernis tiendra tant que ce film restera homogène. Mais, avec le temps, il jaunira et finira par craqueler. Les particules de vernis seront alors enlevées simplement en les grattant légèrement à l'ongle.

2°) L'intérêt de la paille est la réaction de la lumière jouant des variations données par les fibres du matériau.. Le vernis agira à la façon d'une vitre devant un tableau, unifiant l'ensemble d'une même lumière plate.

3°) Et surtout ce serait aller à l'encontre de la "philosophie" de la paille. Voilà un matériau naturel, paré de toutes les vertus, chatoyant naturellement, sensible à chaque variation de la lumière et l'on voudrait intervenir dans cette harmonie?. Ce devrait être imputé à crime contre l'art et la nature.